Il s’agissait d’évoluer dans la zone blanche du mois d’août, de l’utiliser comme caisse de résonance, pour faire émerger des lignes de fuite, des trajectoires qui remettent en jeu la délimitation entre le centre et la périphérie, entre la norme et la marge, entre l’œuvre achevée et celle restée en suspens. Hantise du scénario est un texte de réflexion théorique écrit parallèlement à Vie et mort des aoûtiens.
La collection « faux raccord » rassemble divers écrits cinématographiques : articles critiques, scénarios de films réalisés, en devenir ou pour toujours laissés à l’état d’esquisse, partitions de « films » mentaux ou réflexions d’écrivains et de théoriciens sur la place du cinéma dans leur rapport à l’écriture et à la pensée. Écrivain, artiste, théoricien, philosophe ou cinéaste, chacun prend en charge l’écriture d’un livret qui fait écho par sa singularité à tous les autres livrets de la collection, telle une opération de montage par intervalles. S’il est néanmoins un espace commun au cœur de cette disparité, c’est un espace collectif d’expériences et de réflexions sur les modes de fabrication et de diffusion de nos images.
Le cinéma aujourd’hui ne cesse de se nourrir de ce qu’il n’est pas ou de ce qui lui est extérieur. De même l’art trouve dans le cinéma un certain nombre des points de tensions qui animent sa pratique : les relations entre le visible et le dicible, le rapport à la technique et à la reproduction des images, l’évolution des nouvelles formes de fiction, l’articulation entre le document, l’archive et la mise en scène du réel, etc. L’écriture devient alors un des terrains d’expérimentation de tous ces mouvements de circulation et de tous ces points de passages : un territoire à arpenter où s’éprouve la possibilité de dire ce que serait aujourd’hui une expérience du monde. La collection « faux raccord » donne à lire et à percevoir des écrits cinématographiques qui sont autant d’opérations de déplacements entre l’écriture et le monde via le cinéma.
Judith Abensour enseigne la théorie des arts et le cinéma à l’École supérieure des beaux-arts TALM (site d’Angers). Elle a dirigé l’ouvrage collectif Réactivations du geste (Le Gac Press, 2011). Elle a également réalisé des films, parmi lesquels Parades (2013), avec Thomas Bauer.